Voilà plusieurs années que la communauté scientifique se déchire quant à l’utilisation du cannabis dans le domaine thérapeutique. Pour l’Académie de médecine et l’Académie de pharmacie, le terme de « cannabis médical » ou « cannabis thérapeutique » est dangereux dans la mesure où des études sérieuses n’ont pas encore été effectuées sur le sujet. Un avis que le médecin psychiatre actuellement, responsable de l’expérimentation mise en place en 2021, est loin de partager.
Le « cannabis thérapeutique n’existe pas »
« Le cannabis médical n’existe pas » déclarent l’Académie de médecine et l’Académie de pharmacie depuis maintenant plusieurs années. Une position qui divise les blouses blanches, remettant en cause l’expérimentation du professeur en psychiatrie Nicolas Authier. Ce dernier œuvre depuis le printemps 2021 pour étudier les effets du chanvre sur le corps humain.
Dans un récent communiqué de presse, l’Académie de médecine fustige l’expérimentation en cours en déclarant qu’elle ne respecte pas les protocoles scientifiques. Selon elle, le cas du cannabis doit être étudié au même titre que n’importe quel médicament pour pouvoir être qualifié de « thérapeutique ». De plus, l’Académie de médecine déclare que l’expérimentation en cours vise à justifier l’usage de la plante dans des pratiques médicales. Ainsi, elle « déroge aux exigences méthodologiques, sécuritaires et éthiques » des essais cliniques.
Depuis plusieurs années, l’Académie de médecine est désignée par le président et le gouvernement pour donner un éclairage scientifique sur la situation. Aujourd’hui, elle déclare que la plante est inefficace, du moins jusqu’à ce que son efficacité ne soit prouvée par de véritables essais randomisés.
La mise en place d’essais cliniques randomisés
L’Académie de médecine ne cache pas son mécontentement face à la méthodologie employée par le responsable de l’expérimentation Nicolas Authier. Selon elle, il s’agit d’un essai clinique non randomisé, c’est-à-dire non expérimenté auprès d’un groupe de malades recevant le principe actif ou le placebo.
Concrètement, les essais cliniques par lesquels passent tous les médicaments avant leur mise sur le marché répondent à quatre phases dans l’essai clinique :
- Test de la tolérance du produit sur un sujet sain.
- Évaluation de l’efficacité du produit sur le sujet malade.
- Apport de preuves sur l’intérêt ou la supériorité du traitement par rapport à un produit équivalent ou au placebo.
- Étape de pharmacovigilance et détection d’éventuels effets secondaires.
La randomisation évoquée par l’Académie de médecine correspond à la phase 3 des essais cliniques. Il s’agit d’une étape essentielle pour pouvoir déterminer les effets du produit et son impact réel sur le corps humain, le seul moyen « d’évaluer d’une façon satisfaisante la balance bénéfice/risques d’un médicament ». Alors que les académiciens déclarent qu’il y a mise en danger des patients, Nicolas Authier, responsable de l’expérimentation actuelle sur le cannabis thérapeutique dit, lui, œuvrer justement dans l’intérêt des patients.
Des avis scientifiques pris avec distance
Nicolas Authier, responsable de l’expérimentation sur le cannabis médical depuis le printemps 2021 et professeur en psychiatrie, se déclare fortement irrité par la position de l’Académie de médecine. Selon lui, cette dernière a tout à fait le droit de donner son avis sur la question, mais estime qu’il n’est ni objectif, ni légitime.
Pour appuyer ses dires, Nicolas Authier déclare que, malgré les réticences de l’Académie, « les décrets autour du cannabis sortent les uns après les autres ». Leur prise de position ne présente donc, jusqu’à ce jour, que peu d’intérêt pour les membres du gouvernement.
Le professeur en psychiatrie n’hésite pas à taxer l’Académie de médecine de « groupe d’académiciens » qui écrivent des communiqués emprunt de science autant que de moralité. Selon lui, l’Académie n’a jamais eu à traiter directement avec des patients en souffrance et ne peut donc pas mesurer la portée d’une telle expérimentation médicale. Il dénonce une prise de position essentiellement toxicologique et biologique, les académiciens ne sont donc pas légitimes pour parler du cannabis thérapeutique dans toute sa complexité.
Si le CBD fait encore débat au sein de la communauté scientifique, de nombreux patients l’ont déjà adopté. Le cannabis thérapeutique aiderait dans le cas de maladies graves, pour des patients souffrant d’épilepsie, de douleurs neuropathiques, de sclérose en plaques ou encore de la maladie d’Alzheimer. Ces derniers sont traités pendant deux ans sous forme d’huiles et de fleurs séchées dans un cadre contrôlé et limité.
Aujourd’hui, 1 500 patients se soignent à l’aide du cannabis thérapeutique. Tous les acteurs du chanvre restent suspendus aux résultats de l’expérimentation prévue sur une durée de deux ans et qui prendra donc fin au printemps 2023.