Une enquête réalisée par le journal Le Parisien auprès des maires d’Île-de-France montre que les élus pourraient bien être majoritairement favorables à la dépénalisation du cannabis.
Une enquête ciblée
Les journalistes n’ont pas choisi les maires contactés au hasard, ils ont sélectionné ceux qui s’occupent de communes possédant une Zone de Sécurité Prioritaire (ZSP). En d’autres termes, des villes où le trafic de drogues est une réalité quotidienne. Le terme ZSP est appliqué aux endroits touchés par la dégradation de l’ordre et de la tranquillité publics. Par exemple, la cité des Tarterêts à Corbeil-Assonnes, celle du Val-Fourré à Mantes-la-Jolie ou encore la cité du Bois-L’Abbé à Champigny-sur-Marnes, sont des Zones de Sécurité Prioritaire. Il s’est avéré qu’à la question « êtes-vous favorable à la légalisation du cannabis, contre, ou vous ne vous prononcez pas ? », 50 % des maires sont pour une légalisation, 22 % sont contre et 28 % ne se prononcent pas.
La France est confrontée à un sacré paradoxe : elle est l’un des pays les moins souples en terme de législation concernant le cannabis, pourtant, les Français sont les premiers consommateurs d’Europe avec 4 à 5 millions de fumeurs réguliers (soit 7 % de la population). Les règles en vigueur sont très strictes et la simple consommation d’un joint peut emmener à devoir payer une amende de 200 euros. Une dureté que ne partagent pas les pays limitrophes comme l’Allemagne, la Belgique ou l’Italie, où il faut être en possession d’une quantité importante de cannabis pour être véritablement sanctionné.
Une répression inutile, selon les maires
Pour le maire de Trappes (Yvelines), Ali Rabeh, toute cette répression contre le cannabis est contre-productive. Il apparente cette manière de faire à la prohibition de l’alcool qui avait eu lieu dans les années 20 aux Etats-Unis. Du côté de Mantes-la-Jolie, Raphaël Cognet, maire LR, n’est plus du tout convaincu par les tentatives policières et judiciaires mises en place par le gouvernement pour faire cesser le trafic de cannabis. Selon l’élu, son expérience au poste de maire depuis déjà trois ans lui a montré que cette politique s’apparentait à vouloir vider la mer à la petite cuillère. Il est notamment peu séduit par le projet de création d’une plateforme internet, pour dénoncer les points de trafics, de Gérald Darmanin, ministre de l’Intérieur, lancé le 20 décembre.
Finalement, cette enquête tend à prouver qu’au sein de la population, mais aussi de la classe politique, les mentalités commencent à changer concernant la pénalisation du cannabis. Bertrand Kern, maire PS de Pantin, tente même d’aborder régulièrement le sujet lors des réunions publiques afin de tester la réaction de son auditoire. Et il se trouve qu’en dix ans, même les plus âgés semblent réviser leur copie quant à leur avis sur cette drogue. Des élus restent cependant farouchement opposés à la légalisation du cannabis, notamment Manuel Aeschlimann, maire LR d’Asnières, pour qui un processus de dépénalisation reviendrait finalement à baisser les bras.